Risque accru de divorce : les femmes, nouvelles pourvoyeuses des foyers, en première ligne

Le 25 mars 2025 On en parle

Disparité des revenus, stabilité du couple mise à mal, relations plus vulnérables… Une étude récente montre que dans les couples où la femme assume la majorité des responsabilités financières, le risque de rupture serait plus élevé. Une réalité qui impose aux partenaires concernés de favoriser une communication transparente, de repenser les normes traditionnelles et de s'adapter à des modèles de partenariat plus égalitaires et solides.

Dans le paysage actuel des relations conjugales, il est de plus en plus fréquent d'entendre que près d'un mariage sur deux aboutit à un divorce. Cette réalité alarmante est souvent attribuée à une multitude de facteurs de conflit, où l'argent se classe parmi les causes les plus fréquentes. Alors que les dynamiques de genre et les rôles au sein du foyer évoluent, une question cruciale émerge : quel impact a le revenu sur la stabilité des couples ? 

Une étude menée par l’Institut national des études démographiques (Ined), qui a analysé près de 100 000 séparations entre 2011 et 2017, éclaire ce sujet, comme rapporté par le quotidien national français, Libération. Celle-ci révèle que les couples où la femme est le principal soutien financier présentent une stabilité moindre par rapport à ceux où l'homme occupe ce rôle.  

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En effet, ces couples seraient plus susceptibles de se séparer, peu importe leur âge ou leur statut, soulignant ainsi l'importance des inégalités de revenus et des attentes traditionnelles sur la solidité des relations. Ce phénomène mérite une attention particulière, car il met en lumière les défis contemporains auxquels les couples doivent faire face dans un monde en constante évolution. 

L'argent, révélateur des tensions conjugales 

L'argent a toujours été un sujet délicat au sein des couples. Mais lorsque la femme devient la principale contributrice financière du foyer, les tensions peuvent s'intensifier de façon inattendue. Les statistiques sont éloquentes : selon l'étude de l'Ined, les couples dans lesquels la part de revenu apportée par la femme est supérieure à 55 % présentent un risque de séparation accru de 11% à 40 % par rapport aux couples aux revenus égaux, rapporte Ouest France. 

Cette réalité s'explique en partie par la persistance des modèles traditionnels dans notre inconscient collectif. Malgré l'évolution des mentalités, l'homme est encore souvent perçu comme le pourvoyeur principal du foyer. Lorsque ce rôle est assumé par la femme, certains hommes peuvent ressentir une forme de dévalorisation, voire une atteinte à leur identité masculine. 

Ces schémas sont profondément ancrés dans notre culture. “Cet arsenal catégoriel universel, marqué du sceau du masculin et du féminin est, de plus, hiérarchisé en ce que les valeurs portées par le pôle masculin sont considérées comme supérieures à celles portées par l’autre pôle (…) “, explique Françoise Héritier, anthropologue, ethnologue et militante féministe dans un article publié sur le site cvfe. 

La masculinité à l'épreuve du portefeuille 

Ce déséquilibre financier en faveur des femmes peut créer une forme de crise identitaire chez certains hommes. Les stéréotypes de genre, bien qu'en recul, continuent d'influencer notre perception des rôles au sein du couple. 
 

Dans un article publié sur The conversation, Joanna Syrda, maître de conférences en économie des affaires, démontre que certains hommes ressentent une pression croissante liée aux attentes traditionnelles de leur rôle de pourvoyeur, lorsque leur conjointe dépasse les 40 % de contribution aux revenus du foyer. Ce malaise se traduit souvent par des comportements compensatoires : besoin accru d'affirmer son autorité dans d'autres domaines, prise de décisions unilatérales, ou au contraire, désengagement progressif des responsabilités familiales. 

L'inversion des rôles traditionnels et ses conséquences 

Le phénomène toucherait particulièrement les couples où l'écart de revenus est important. Comme le souligne l'étude de l'Ined : "le risque de séparation augmente avec la part de la femme dans le revenu total" du couple. Cette dynamique du pouvoir modifiée au sein du foyer peut ainsi générer des tensions significatives. 

Les décisions financières importantes - achat immobilier, investissements, choix de vacances - reviennent naturellement à celle qui dispose de la plus grande capacité financière. Cette redistribution des rôles peut alimenter des frustrations chez le partenaire masculin, parfois jusqu'à provoquer des tensions insurmontables, conduisant à une séparation. L'homme, habitué à un modèle où son avis prédomine dans ces domaines, peut alors éprouver une perte d'influence qui remet en cause son rôle traditionnel au sein du couple, fragilisant ainsi la relation. 

Par ailleurs, les femmes qui assument le rôle de principales pourvoyeuses financières se retrouvent souvent à porter une double charge : celle de soutenir économiquement le foyer tout en continuant d'assumer la majorité des tâches domestiques et familiales. Cette inégalité persistante dans la répartition des responsabilités domestiques constituerait une source majeure de tension dans ces couples. 

Un phénomène qui n'épargne aucun type d'union 

Cette fragilisation des couples concerne toutes les formes d'union. L'étude de l'Ined, relayée par Libération, est formelle : ce "risque accru de séparation s'observe aussi bien chez les couples mariés que pacsés ou simplement vivant ensemble". Si le mariage a longtemps été perçu comme un rempart contre les séparations, les statistiques montrent que les couples mariés ne sont pas épargnés par ce phénomène lorsque la femme devient la principale contributrice aux finances du foyer. 

Cependant, comme le rapporte Libération, l'équilibre entre les revenus n'exerce pas la même influence selon le type d’union. Dans le mariage, l'apport prépondérant de l'homme est "stabilisateur", tandis que l'égalité entre les revenus remplit ce rôle chez les couples "en cohabitation". L'influence du revenu est moins importante chez les couples pacsés, selon les démographes de l'Ined. 

Les jeunes couples, particulièrement exposés ? 

Si aucune génération n'est épargnée par ce phénomène, les jeunes couples semblent tout aussi vulnérables que leurs aînés. Paradoxalement, alors que les générations nées après 1990 se revendiquent plus ouvertes aux évolutions sociétales et plus détachées des stéréotypes de genre, elles ne sont pas moins touchées par ces problématiques. Contrairement à ce que les chercheurs auraient pu attendre, l'étude de l'Ined révèle que "des études dans d'autres pays suggéraient que cet effet 'négatif' du revenu féminin était moins marqué dans les jeunes générations. Cela ne semble pas non plus être le cas en France." 

Cette contradiction apparente s'explique par le décalage entre discours et réalité vécue. Certains jeunes hommes d'aujourd'hui affirment volontiers leur adhésion à l'égalité des sexes et à l'émancipation économique des femmes, comme le rapporte TF1 info. Mais, lorsqu'ils se retrouvent concrètement dans une position économique inférieure à celle de leur partenaire, les vieux schémas ressurgissent et créent des tensions inattendues. 

Réinventer l'équilibre : vers des modèles de couple plus équitables et résilients 

Les couples qui résistent à cette épreuve sont ceux qui parviennent à valoriser d'autres contributions que financières au sein du foyer. Reconnaître la valeur du travail domestique, de l'implication parentale ou du soutien émotionnel permet de rééquilibrer la perception de l'apport de chacun. 

L'erreur serait de mesurer la valeur d'un partenaire uniquement à l'aune de sa contribution financière. Un homme qui s'investit pleinement dans l'éducation des enfants ou qui prend en charge la logistique quotidienne apporte une contribution tout aussi essentielle à l'équilibre familial. Cette redéfinition des rôles implique souvent de s'affranchir des modèles familiaux hérités et d'inventer sa propre façon de fonctionner en couple. Les unions qui y parviennent en ressortent généralement renforcées, avec une identité propre et une plus grande résilience face aux pressions extérieures. 

Pour les couples d'aujourd'hui et de demain, le défi consiste donc à construire de nouveaux modèles relationnels qui transcendent les schémas traditionnels tout en préservant l'équilibre émotionnel de chacun. Cela implique un travail constant sur soi et sur la relation, ainsi qu'une remise en question des normes héritées qui influencent inconsciemment nos comportements. Les couples qui réussissent cette transition sont souvent ceux qui parviennent à voir dans ce déséquilibre financier non pas une menace, mais une opportunité de réinventer leur relation sur des bases plus équitables et plus authentiques. 

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