Les pleureuses et le devoir de mémoire : un rituel funéraire qui traverse les âges
Le 18 septembre 2025
Et ailleurs
De cris en chants, de gestes en lamentations, les pleureuses traversent l’histoire comme une voix collective du deuil. Présentes de l’Égypte ancienne aux villages méditerranéens, elles ont accompagné les morts et réconforté les vivants. Leur rôle, plus qu’émotionnel, était une façon d’inscrire chaque disparition dans une mémoire commune.

Dans de nombreuses cultures, les funérailles ne se résument pas à un moment de tristesse : elles deviennent un véritable rassemblement, parfois même une célébration. Repas partagés, chants, danses ou rituels symboliques marquent ces instants où la communauté s’unit pour accompagner le défunt et soutenir ses proches. C’est au cœur de ces pratiques collectives, parfois “festives” et toujours fédétatrices, que les pleureuses trouvent leur place.
Les pleureuses ont été appelées d’un bout à l’autre du monde pour transformer le silence de la perte en un rituel sonore, visible, partagé. Leur mission : donner forme à une douleur qui, autrement, resterait contenue. Elles criaient, chantaient, récitaient des poèmes, parfois jusqu’à l’épuisement, pour signifier que le défunt comptait et que sa mémoire devait être honorée. Ces lamentations ne sont pas des excès irrationnels : elles sont une langue du deuil.
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Égypte ancienne : un rituel sacré au service des dieux
En Égypte, les pleureuses occupaient une place centrale et codifiée dans les rituels funéraires. Elles accompagnaient le corps dans sa procession, les cheveux dénoués, les mains levées vers le ciel, criant ou se frappant la poitrine. Certaines incarnaient même les déesses Isis et Nephtys, symbolisant les forces protectrices qui guidaient l’âme du défunt vers l’au-delà.
Les fresques des tombes de Thèbes ou de Saqqarah montrent ces femmes alignées près du cercueil, dans des attitudes théâtrales. Leurs pleurs n’étaient pas seulement des cris : ils représentaient une invocation divine, un passage rituel pour assurer au défunt un destin favorable dans l’éternité.
Grèce antique : la poésie du thrène
Les Grecs considéraient la lamentation comme une obligation civique et familiale. Les pleureuses, souvent issues de la communauté, entonnaient des thrènes, poèmes funèbres improvisés qui racontaient la vie, les exploits ou les vertus du défunt. Elles accompagnaient la dépouille jusqu’au cimetière, parfois pendant plusieurs jours de veillée. Leurs chants mêlaient lyrisme et intensité vocale : c’était un cri à la fois intime et public, qui liait l’homme disparu à la mémoire de la cité. Refuser les pleureuses, c’était risquer l’oubli. Leur voix portait loin, rappelant que la mort n’était pas un silence mais un événement à inscrire dans la continuité collective.
Rome antique : quand les pleureuses faisaient loi
À Rome, la pratique des pleureuses prit un tour plus institutionnalisé. Les familles riches engageaient des ploratrices pour accompagner leurs cortèges funéraires. Leur rôle n’était pas seulement d’exprimer la douleur, mais aussi de montrer publiquement la grandeur du défunt. Plus les lamentations étaient bruyantes, plus elles donnaient une image d’importance sociale.
Les ploratrices portaient des vêtements sombres, se jetaient parfois au sol, déchiraient leurs cheveux, créant un spectacle codifié. Cette démonstration était un signe de statut : la douleur devenait presque une mesure de prestige. Mais derrière cette théâtralisation, il restait une fonction essentielle : rappeler à la communauté que la vie de cet homme ou de cette femme avait marqué son temps.
Italie du Sud : les voceri, poésie et douleur vivante
En Calabre et en Sicile, les pleureuses donnaient vie aux voceri, chants improvisés d’une intensité bouleversante. Souvent âgées, elles connaissaient par cœur les familles et savaient improviser des complaintes adaptées au défunt. Elles chantaient son histoire, ses qualités, ses malheurs, tout en interpellant directement la communauté : “Qui viendra pleurer sa bonté ? Qui se souviendra de son courage ? "
Ces lamentations étaient une forme de mémoire orale, conservée par la voix des femmes. Elles permettaient aussi aux proches, parfois trop accablés pour s’exprimer, de voir leur douleur traduite en paroles. Dans ces villages, leur rôle allait bien au-delà du deuil : elles étaient des gardiennes de la tradition.
Corse : le voceru, chant funèbre identitaire
La Corse a gardé longtemps la tradition du voceru, un chant funèbre exclusivement féminin. Lors des veillées, ces lamentations racontaient la vie du défunt, mais aussi l’histoire du village, des ancêtres, de la communauté. Chaque mot, chaque intonation, portait une dimension identitaire forte. Le voceru n’était pas qu’un cri de douleur : c’était un acte de transmission.
Les pleureuses corses reliaient le mort aux vivants, mais aussi les générations entre elles. Dans une société insulaire marquée par la mémoire collective, elles rappelaient que la mort, loin de couper les liens, renforçait la continuité d’une communauté soudée.
Maghreb : la lamentation comme appel spirituel
Au Maghreb, les pleureuses avaient pour rôle d’exprimer une douleur visible et sonore. Leurs chants, souvent improvisés, mêlaient invocations religieuses et éloges du défunt. Elles pleuraient, se frappaient la poitrine, parfois s’arrachaient les cheveux, créant un langage du corps et de la voix.
Dans certaines régions, on considérait que leurs lamentations facilitaient le passage de l’âme vers l’au-delà, en rappelant à la communauté de prier pour elle. Leur rôle était aussi social : elles rassemblaient, unissaient la famille et le voisinage dans un même cri. Leurs voix donnaient au deuil une intensité collective, où chacun se reconnaissait dans la douleur exprimée.
Afrique de l’Ouest : des pleureuses encore présentes
En Afrique de l’Ouest, et particulièrement en Côte-d’Ivoire, les pleureuses existent encore aujourd’hui. Engagées pour accompagner les familles, elles donnent une voix au chagrin dans les cérémonies modernes. Leur mission n’est pas seulement de pleurer, mais d’orchestrer le deuil : elles ouvrent les processions, rythment les veillées, soutiennent les familles accablées.
Leur présence est un héritage ancien, mais adapté au monde contemporain. Ici, le cri n’est pas seulement un souvenir du passé : il reste une réalité sociale vivante, preuve que le besoin d’exprimer collectivement la perte n’a pas disparu.
Asie : des traditions codifiées et persistantes
En Asie, les pleureuses existaient aussi, même si leurs pratiques différaient. En Chine, par exemple, elles étaient parfois appelées pleurer lors des mariages afin de garantir une vie harmonieuse aux époux, comme à réciter des chants funéraires, transmis de génération en génération. Elles portaient des vêtements blancs, couleur du deuil, et guidaient la famille par leurs paroles.
En Inde, dans certaines régions rurales, des chants funèbres collectifs menés par des femmes accompagnaient la cérémonie, avec des intonations spécifiques qui rappelaient l’importance de la continuité spirituelle. Ces rituels n’étaient pas seulement destinés à consoler : ils servaient à accompagner l’âme dans son voyage, unissant les vivants et les morts dans une même cérémonie sonore.
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